Les pionniers
À l’époque où il n’y a pas encore de route, la région est très peu habitée. Quelques squatters américains, attirés par le gibier et la forêt, occupent des terres à l’embouchure de la rivière Bleue.
En 1858, John Morrison, originaire du Nouveau-Brunswick et d’ascendance écossaise, s’installe près du Beau Lac sur un lot qui deviendra le lot 18 du Rang I. Lorsqu’en 1864, l’arpenteur Joseph Duval arpentera le territoire. Celui-ci précise : « Mr Morrison est logé sur le lot 18 ; il pense qu’il a environ 45 acres qui sont en état de culture; sur ces 45 acres, 12 sont sur le lot 19. » Le recensement de 1871 mentionne qu’il est marié à Angélique Levasseur et qu’ils ont 6 enfants ; certains de ces enfants avaient pour mère, la première épouse de John, Margaret Morton qui est décédée au Beau Lac. Le recensement de 1881 précise qu’ils ont 10 enfants. En 1883, il demeure encore au Beau Lac lorsqu’un groupe de botanistes du Nouveau-Brunswick le croise. Un de ceux-ci écrit : « M. Morrison avait défriché une belle étendue de terre à la tête du Beau lac se constituant par son patient labeur et sa persévérance une belle propriété en ce lieu isolé. » Une pierre tombale de Connors indique que Morrison est décédé le 6 septembre 1885. Ce décès a probablement été l’occasion pour les membres de la famille Morrison de quitter Rivière-Bleue pour s’établir par la suite dans la région de St-Francis dans le Maine où on retrouve leurs traces dans le recensement américain de 1900.
Vers 1860, c’est au tour de Joseph Nadeau et de sa famille, originaires du Madawaska, de bâtir maison sur le lot 9 du Rang I, le long de la rivière Saint-François. L’arpenteur Duval note lors de son arpentage du Rang I en 1864 : « Il y a eu un abattis entre ces deux lots (9 et 10). Joseph Nadeau est bâti sur le lot 9. Il a fait sur ces lots environ 36 acres presque tous en état de culture ; il vit à son aise et est très satisfait de la qualité de sa terre. »
Joseph Nadeau est né en 1831 sur la rive droite de la rivière Saint-Jean qui deviendra juridiction américaine par le traité Webster-Ashburton en 1843 ; il est donc américain. Dans le recensement de 1901, il mentionne avoir émigré des États-Unis en 1862 et avoir été naturalisé canadien en 1878. Sa femme, Christine Cyr, est née au Nouveau-Brunswick en 1839. Au recensement canadien de 1881, ils ont alors 8 enfants.
Christine, l’épouse de Joseph, décède en 1905 alors que celui-ci meurt en 1908 à l’âge de 77 ans.

Joseph Nadeau et Christine Cyr
Alors que la famille Morrison a quitté Rivière-Bleue après y être demeurée plus de 25 ans, celle de Joseph Nadeau y prendra souche et nombre de ses descendants sont encore citoyens de Rivière-Bleue.
En 1881, 55 personnes sont déjà installées dans le secteur de la rivière Bleue. En 1887, l’ouverture de la route entre Notre-Dame-du-Lac et Saint-Eusèbe marque une première phase de croissance démographique. De nouveaux habitants arrivent cette fois du Témiscouata.
Le chemin de fer, moteur de développement
À partir de 1908, Rivière-Bleue connaît un second essor. Le prolongement de la route, entre Saint-Alexandre et Saint-Éleuthère jusqu’à Rivière-Bleue, ouvre une nouvelle voie de communication. Jusqu’en 1914, la construction du chemin de fer du Transcontinental attire de nombreux travailleurs ferroviaires. Ils sont plus de 500 à la fin de 1908.
Le train contribue à sortir la région de son isolement. Le village se développe au fur et à mesure que les nouveaux habitants arrivent. Ils sont attirés par les terres neuves à défricher et par les forêts vierges à exploiter.
Les familles s’installent
En 1913, la Blue River Lumber Co. Ltd. s’établit à Rivière-Bleue, à la jonction des rivières Bleue et Saint-François, des rivières à drave. Le moulin est l’un des plus importants du Témiscouata.
Des travailleurs de la Nouvelle-Angleterre, du Nouveau-Brunswick, de Kamouraska et du Témiscouata s’installent à Rivière-Bleue. Ils participent aux opérations forestières et au sciage. En 1914, on compte 53 nouvelles familles, 44 en 1915 et 60 en 1916.
Entre 1913 et 1916, la population passe de 400 à 1 200 Riverains.

Joseph Héroux
De Saint-Joseph-de-la-Rivière-Bleue à Rivière-Bleue
La municipalité de Saint-Joseph-de-la-Rivière-Bleue reçoit ses lettres patentes le 18 mai 1914. Le premier conseil siège le 28 décembre sous la présidence du maire Joseph Héroux.
L’érection canonique de la paroisse a lieu le 14 octobre de la même année et l’abbé Wilfrid Gauthier en devient le premier curé.
L’organisation civile progresse rapidement. Le service des postes, dès le début, les trottoirs de bois (1917), le téléphone (1920), l’aqueduc (1928), l’électrification (1945), le service incendie (1947) et le réseau d’égout (1953) témoignent du dynamisme de la communauté.
La vie sociale et culturelle n’est pas négligée. La salle paroissiale est érigée en 1923. Le cinéma muet, les troupes de théâtre, tant locale que métropolitaines, les combats de boxe et les soirées d’amateur font le bonheur des Riverains.
En 1920, des résidents demandent au gouvernement que le village et les rangs (paroisse) deviennent deux municipalités distinctes en raison de leurs besoins respectifs. Le 11 novembre 1920, la requête est acceptée. Cinquante-cinq années plus tard, les rangs s’étant largement dépeuplés, le mouvement s’inverse et les deux entités fusionnent le 30 avril 1975.
Le patronyme de Saint-Joseph a été choisi en hommage à Joseph Nadeau, le premier habitant.